Cela n’aura échappé à personne, la fin de l’année approche, et avec elle, noël, les cadeaux, Tino Roussi, le nouvel an, les gens qu’on ne veut pas voir, la fausse bonne humeur matinée de slogans improbables, et surtout, surtout, les entretiens annuels.
Vous aurez remarqué, j’ai omis de parler de la fin du monde programmée pour la fin de la semaine pour la simple et bonne raison que c’est du pipo flûte. Si j’ai le temps avant la fin du monde, je vous en parlerai. Mais là tout de suite, c’est l’entretien annuel qui nous intéresse.
Incontournable en entreprise, l’entretien annuel est l’évènement qui devrait permettre de remettre les choses à plat lors d’un dialogue factuel et privilégié avec son responsable. Bon, en vrai, c’est plutôt le moment où on demande des pépettes que l’on se voit immanquablement refuser pour la simple et bonne raison que c’est la crise ma bonne dame.
Faut-il alors penser que l’entretien annuel ne sert à rien ?
Au début de ma carrière professionnelle (tousse tousse) je pensais l’inverse. J’étais persuadé que l’entretien annuel était réellement utile. C’est beau la jeunesse, c’est plein de naïveté, j’en ai la larme à l’oeil…
Je le préparais avec soin, listant les tâches effectuées dans l’année, analysant les raisons de mes réussites mais aussi de mes échecs. Avais-je atteint mes objectifs ? Quels avaient été les moments difficiles ? Qu’est-ce que j’avais mis en place pour les surmonter ? De quels outils avais-je eu besoin ? Qu’elles étaient mes qualités, et surtout mes axes d’amélioration ? Et enfin, pourquoi je méritais une augmentation, et combien !
Bref, j’étais fin prêt pour aller voir mon manager et discuter avec lui, sur de bonnes bases, avec des faits, rien que des faits.
Ça a duré 5 ans, et sur ces 5 ans, 4 échecs, donc 1 seule augmentation, la 1er année (faut dire que je partais de très très bas). Les autres années, peau de zob. C’était d’abord la faute à la crise, puis la faute à la conjoncture, puis la faute aux résultats du groupe insuffisants, puis ma faute à moi parce que j’étais rien qu’un gros méchant qui demandait une augmentation (véridique).
Prenant en considération mon immense ras le bol, j’ai donc démissionné, et j’ai retrouvé un CDI avec 15% d’augmentation ! Il était donc possible d’être augmenté, il suffisait de se barrer !
S’en est suivi une nouvelle tentative sérieuse d’entretien annuel pour rien, puis plusieurs années pendant lesquelles je n’en avais plus rien à foutre. J’y allais comme un gros touriste, sachant pertinemment que la décision finale ne dépendait pas de ma seule prestation lors de cet entretien, ni même de ce que j’avais fait pendant l’année, mais de bien d’autres paramètres qui me dépassaient. Comme dirait l’autre, la vérité est ailleurs.
Après ce long préambule nimbé de nostalgie autobiographique, mais qui vous aura quand même donné quelques pistes, voici le gros du sujet :
Comment doit-on aborder son entretien annuel, et comment le réussir à coup sûr ?
Première chose à savoir, tout comme le stress (ou le trac) ne dépend que de l’importance que l’on donne à l’évènement qui nous stresse (ou nous donne le trac), l’entretien annuel ne doit pas être attendu comme l’évènement le plus important dans l’année de travail qui vient de s’écouler, sous peine de tomber de très haut. Plus simplement, l’entretien annuel c’est incontournable, mais rien ne s’y décide vraiment.
Donc, il faut quand même mieux y aller à la cool, sans penser que c’est pendant cet entretien que ce joueront notre hypothétique augmentation (que l’on n’aura pas de toute façon parce que c’est la crise, je l’ai déjà dit, faut suivre un peu !!!) ou notre future évolution (que l’on ne veut pas parce qu’on est bien au chaud).
Qu’est-ce que j’en sais ?
Pas grand-chose, sauf que les enveloppes budgétaires pour les augmentations sont votées en marge des entretiens, et re dispatchés en fonctions de critères qui nous dépassent et qui ne dépendent pas de notre entretien mais en partie (et en partie seulement) de l’image que ce font de nous nos grands grands chefs (ceux qu’on ne connait que de nom, et encore), en se basant sur les bruits de couloirs que nos grands chefs auront reçus de nos chefs lorsque ceux-ci n’auront pas été trop lâches pour tenter de nous défendre. Bref, c’est très loin de nous.
Y aller à la cool, oui, mais pas sans préparation, et c’est là que c’est plus compliqué !
Il ne faut pas y aller comme un gros touriste, c’est mal (même si ça fait du bien). Il faut quand même savoir de quoi on parle, et surtout, être capable de se défendre, en argumentant. Il faut toujours rester factuel (les faits sont incontestables), éviter les généralités, ainsi que les attaques personnelles (c’est pas ma faute à moi, c’est machin qui a fait ci ou pas fait ça).
C’est important de se défendre et de se vendre un peu (le pipo est votre ami), parce que s’il est vrai qu’on ne sera pas augmenté, ce n’est pas pour ça qu’on ne peut rien avoir.
On peut toujours grappiller des formations, une évolution dans son poste (si on en a envie bien entendu, car rien ne nous oblige à passer de trouffion de base à expert de rien du tout ou chef de son PC, on peut très bien choisir de rester rien du tout toute sa vie professionnelle et très bien le vivre), une prime (là c’est champagne)!
Pour construire son argumentaire, il faut partir des objectifs qu’on vous avez fixé, et pour chaque point être capable de dire si on a réussi, comment, pourquoi, et de même si on n’a pas réussi.
Je reviendrai dans un autre article sur la bêtise de 80% des objectifs pour montrer les limites du système. Mais le système étant basé sur ces objectifs, il vaut mieux maîtriser le sujet. A ce propos, s’il y a un truc qu’il peut valoir le coup de négocier pendant son entretien annuel, c’est bien ses objectifs pour l’année à venir. Plus ils sont simples, plus on aura de chance de les atteindre, c’est imparable!
Et là vous vous dites que cet article ne vous a rien appris, que c’est vraiment un blog pourrave qui ne vaut pas mieux que ce qu’il dénonce. Alors moi je dis oui, mais non c’est même pas vrai. Je viens de vous apprendre un truc formidable : il faut désacraliser l’entretien annuel ! C’est important, mais ca ne sert à rien!
Et comme je suis gentil, je vous offre en cadeau, quelques réponses aux questions types :
Quelles sont vos principales réussites cette année ?
Vous devriez le savoir, mes plus grandes réussites sont celles pour lesquelles vous avez tiré toute la couverture à vous… Votre augmentation, c’est un peu grâce à moi que vous allez l’avoir. Alors que moi, je vais encore pouvoir m’assoir dessus.
Quels problèmes avez-vous rencontrés et comment les avez-vous surmontés ?
Travailler avec vous, ça compte ? Sinon, juste comme ça, si vous n’êtes pas au courant des problèmes que j’ai rencontré, c’est que vous êtes un piètre responsable… Enfin je dis juste ça comme ça, sans aucune animosité.
Quels sont vos axes d’amélioration ?
Les miens je ne vois pas bien, j’aurai besoin d’un avis extérieur compétant, par contre concernant les axes d’améliorations des gens qui m’entourent, de mes chefs, ou les axes d’améliorations des processus qui sclérosent mon travail de tous les jours, j’ai pas mal d’idée.
A quel poste vous voyez vous dans 5 ans ? Et dans 10 ans ?
Dans 5 ans, à votre place, c’est pas mal. Déléguer, ne rien foutre, prendre des décisions sans aucune conscience de la réalité, profiter des retombées positives, avoir les meilleures primes. Bref, ça me plait bien. Et dans 10 ans, je me vois bien loin d’ici, au bord d’une piscine dans un pays chaud.
Voilà ! Avec ces réponses, aucun doute que vous allez faire beaucoup d’effet lors de votre prochain entretien annuel.
A noter qu’on peut également les utiliser partiellement lors d’un entretien d’embauche.
A bientôt les gens. 🙂
L’impro ça réussit bien en entretien annuel.
Comme la personne avec laquelle on passe improvise aussi de toute manière, suffit d’annoncer des trucs avec suffisamment de conviction…
Je pense que ton dessin montre la seule bonne façon d’y aller à cet entretien: avec des gros bras, des sicaires, des pistoleros, des tueurs à gages… C’est un moyen qui peut faire penser au gangstérisme, à la mafia… Mais ce n’est pas toi qui veut devenir riche ? La Mafia est peut-être la seule voie… 😉
Cyril> l’impro est effectivement une bonne technique, mais c’est déjà ce que je fais toute l’année, donc pour les entretiens d’evaluation, j’innove!
Philgreff> pas bête ca la mafia. Je vais aller faire un peu de muscu pour être plus credible et je me lance! 🙂
Hello,
Tout d’abord bonne année à tous (même si vous considérez ça comme passage obligé, lol)
Je viens de tomber sur votre blog, et je le trouve assez détendant.
J’avoue que cet article m’a bien fait rire, me rappelant mes propres entretiens, ainsi que ceux de mes équipes. Car oui, je suis chef de service. Et ce n’est pas parce que je fais partie de ceux que vous visez, que je ne me sens pas concerné : bah oui, mais aussi, j’ai un chef au dessus de moi.
Moi aussi en début de carrière, je préparais mes entretiens avec l’espoir naïf que cela puisse permettre une remise à plat complète de l’année. A vrai dire, je n’ai eu qu’un seul chef, pendant un an, qui ait préparé cet entretien aussi sérieusement que nécessaire. Cela m’a servi à définir un plan d’action pour mieux travailler, et surtout me sentir mieux au travail (parce que le plus important au final, c’est de pas passer 40 ans de sa vie à trainer les pieds quasiment tous les matins, non ?)
Depuis, je me sert de cet entretien dans ce (presque) unique objectif : « trouver les solutions et organisations dans mon travail pour me sentir mieux et faire en sorte que mes équipes se sentent mieux aussi. Et c’est gangnat pour tous : meilleure santé, pas de dépression, travail plus efficace.
Bon courage à vous,
Mikaël
Platipus> welcome on board! 🙂
Se sentir mieux au travail, le seul véritable objectif, nous sommes d’accord, mais il est parfois difficile d’y arriver. 😉